En Fédération Wallonie-Bruxelles, seul un enfant sur quatre va au théâtre scolaire. Les raisons en sont variées, mais les deux principales sont les limites budgétaires du programme "Spectacle à l’École" et le coût du transport vers les salles de spectacles, qui a tendance à augmenter. Anaïs Pétry, comédienne, explique qu’il y a un vrai problème de mobilité pour les écoles. Car le coût du transport en bus est souvent plus élevé que le prix de la place de spectacle.
Les compagnies sur la route
Il est difficile d’agir sur les données financières. Par contre, il est possible de réfléchir à ce déplacement qui pose problème. Dimitri Joukovski, régisseur, souligne que certaines compagnies de Théâtre Jeune Public sont itinérantes et se déplacent de villes en villages pour aller à la rencontre des jeunes spectateurs : "Au plus un spectacle est autonome, au plus il a de chances de tourner. Le premier achat pour une compagnie qui débute, c’est donc une camionnette ! Elle est indispensable pour transporter le matériel."
Cette itinérance exige une logistique importante. Marie Kersten, costumière et scénographe, décrit tous les paramètres auxquels il faut penser lors de la création d’une scénographie destinée à être montée et démontée presque quotidiennement. Il faut penser à la taille de la camionnette ou de la voiture, au budget, au temps de montage et de démontage, à la manière dont on peut replier, emboiter les décors pour gagner de la place, etc.
Certaines compagnies relèvent le défi d’être "autonomes ". C’est-à-dire qu’elles essaient de créer des spectacles qui ne nécessitent pas une infrastructure d’accueil, ce qui permet de jouer directement dans les écoles. C’est très difficile de réussir ce pari. Car, même un spectacle léger nécessite généralement un minimum : gradin pour installer les enfants, éclairage du plateau de jeu, sonorisation, occultation de la salle, etc.
Laetitia Salsano et Maud Lefèbvre, comédiennes, soulignent que cette démarche est très intéressante pour proposer un spectacle aux écoles qui ne peuvent se déplacer, mais qu’il est important que les enfants continuent à se rendre dans les lieux culturels. De plus, la création artistique exige un minimum de liberté, un décor ne peut pas toujours entrer dans deux valises et demie.
Les élèves en roller ?
Toutes les écoles ne sont pas égales face à une sortie au théâtre. Les écoles à proximité des lieux culturels (théâtre, centre culturel, etc.) sont favorisées car elles peuvent se rendre à pied à la représentation. Sont favorisées également celles dont la commune met un bus à disposition. Certaines, plus rares, se déplacent à vélo, mais cela nécessite que chaque élève dispose d’un vélo et que le parcours soit suffisamment sécurisé. Les autres écoles dépendent des horaires des transports en commun. La solution pour beaucoup est donc de louer un bus.
Une autre solution serait d’éviter au maximum les trajets trop longs nécessitant la location d’un bus. Titane Gevers, animatrice au Centre culturel du Brabant wallon, cherche régulièrement des lieux "hors normes" pour organiser des représentations : "J’essaie de trouver une salle dans la commune ou dans l’école, qui peut convenir pour accueillir un spectacle de qualité, autonome ou léger. Certaines troupes ont leur propre éclairage, leur sonorisation, leur rideau/décor et parfois leur gradin. Ces spectacles rendent, dans ces salles, toute l’ambiance du théâtre. C’est souvent plus compliqué pour les jeunes compagnies avec peu d’argent, qui ne possèdent pas leur propre matériel et qui doivent se limiter à jouer dans des salles équipées".
Ottokar = bus ?
Vous commencez à comprendre pourquoi l’opération de valorisation du Théâtre Jeune Public s’appelle Ottokar ? D’une part, ce nom évoque l’itinérance des compagnies et le déplacement des publics scolaires et familiaux, amenés à se rencontrer dans les lieux de spectacle. D’autre part, elle renvoie à l’itinérance de l’opération qui, depuis 2009, a déjà pris quartier dans les régions de Namur, Verviers, Ath, La Louvière et Liège.
Pour cette sixième édition, en Brabant wallon, les organisateurs souhaitent remettre cette question de déplacement et d’accès au spectacle en évidence et invitent le public à réfléchir à son parcours pour arriver au spectacle. Ils ont donc conçu des pictogrammes qui enrichissent l’agenda des activités du Journal Ottokar comme autant d’invitations à se déplacer différemment ou à prendre part à des animations et jeux autour de la mobilité. De plus, pas moins de six compagnies de théâtre professionnelles se sont associées pour créer un théâtre itinérant qui proposera un aperçu du Théâtre Jeune Public dans des lieux de vie du Brabant wallon.
> Stéfanie Heinrichs