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CARTE BLANCHE

L’architectus belgicanus, une race à part

Une carte blanche de l’architecte Pascal Simoens 

L’architecte Pascal Simoens dirige le bureau d’urbanisme Cooparch, basé à Bruxelles. Vous pouvez retrouver l’entièreté de cette carte blanche (elle a été réduite de moitié) sur le blog : http://pascal_simoens.posterous.com




L’architecture (et ses architectes) en Belgique est le constat d’un paradoxe: c’est d’abord un métier où l’architecte est présent et très responsable de tout acte de bâtir de près ou de loin ; il est reconnu comme tel par la loi. A contrario, l’architecture comme vecteur de valeurs culturelles et sociétales, elle, fait défaut.

Du même ordre, si vous demandez aux habitants d’une région, d’une ville ou village,  l’intérêt qu’ils portent à l’architecture et à leur cadre de vie, ils vous répondront sans nul doute et avec discernement que l’architecture est extrêmement importante pour l’amélioration de leur lieu de vie… alors que l’enseignement de l’architecture considérée comme un élément à part entière de la culture d’un lieu et d’une communauté d’habitants n’est toujours pas inscrit dans les écoles, voire pire, dans les facultés de journalisme (pour ne citer qu’elles). Dans ce dernier cas et pour conséquence, l’inanité générale des articles traitant de l’architecture et commentaires journalistiques au travers des quotidiens (ceux qui ont une culture générale en tout, sauf l’architecture) et les revues spécialisées (ceux qui n’ont qu’une culture, celle de l’architecture). Cette situation ne contribue certainement pas à améliorer l’approche culturelle de l’acte de bâtir sur nos terroirs.

Un autre paradoxe est l’importance de l’architecture comme vecteur d’identité d’un programme politique… la culture de l’architecture en Belgique n’est pas la même que l’on soit en Flandre, en Wallonie ou à Bruxelles.

Le troisième paradoxe vient des architectes eux-mêmes, fantasmant tous à propos de la force de production des grands bureaux anglo-saxon tout en rêvant d’architectures signées de la propre main d’un concepteur-artisan-architecte. Deux visions diamétralement opposées et qui rendent plus d’un architecte schizophrenique !

Comment des paradigmes aussi extrêmes peuvent-ils exister ? Pourquoi l’architecture en Belgique francophone est l’enfant mal aimé des responsables politiques et de leurs électeurs alors qu’elle est vecteur d’identité en Flandre ? Pourquoi ce rejet conceptuel qu’un architecte ne peut être à la fois businessman et créatif ? (…)

Et qu’en sera-t-il de demain ?

Cette question présente plusieurs facettes et réponses. Premièrement, l’évolution du marché de l’architecture avec ses contraintes de plus en plus fortes obligent les architectes à s’associer. Ce paradigme ouvre à la fois de nouvelles perspectives pour des associations plus fortes, entre autres, pour aller travailler au-delà des frontières. Deuxièmement, la réforme de l’enseignement de l’architecture ouvre plus clairement le champ d’opportunité des débouchés professionnels. Je ne citerai que le besoin croissant des « architectes communaux Â» ou « CATU Â», conseillers en aménagement du territoire et en urbanisme, devenus obligatoire en Région wallonne. Ces deux premières évolutions du métier d’architecte réduit drastiquement l’offre des prestataires et aura certainement dans les années à venir un impact important sur la valorisation (enfin !) des honoraires. Dans ce nouveau paysage, restent les architectes indépendants, l’architectus belgicanus de race wallonicus, bruxellus ou flandrius.  Gageons que dans le cadre de la restructuration de notre profession, les architectes pourront reprendre leur place car choisis par leur client pour la bonne cause : faire de l’architecture, au sens culturel et sociétal du terme.

Tout le monde y trouverait donc son compte ? Peut-être mais dans l’attente de jours plus heureux des professionnels de l’art de bâtir, faudrait-il aussi qu’un examen de conscience puisse se faire pour renouveler le métier d’architecte eu égard aux enjeux du XXIe siècle : pluridisciplinarité, technicité, complexité avec des architectes chefs d’orchestre, offrant un petit supplément... d’art.

« La culture de l’architecture en Belgique n’est pas la même que l’on soit en Flandre, Wallonie ou Bruxelles. »


Cette carte blanche est tirée de notre mensuel Espace-Vie d'octobre 2012.