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VISITE

À la découverte d'une gestion durable des eaux pluviales dans le Nord de la France

Le jeudi 26 mars 2015, le Contrat rivière Senne et la Maison de l’urbanisme du Brabant wallon emmenaient une quarantaine de professionnels et d’élus wallons à la découverte de la gestion durable des eaux pluviales dans la Communauté d’Agglomération du Douaisis (CAD), dans le nord de la France. Nous avons été gâté, la pluie nous aura accompagnée toute la journée.

Nous avons été accueillis par Maëlle Ancelle de l’ADOPTA, l’Association pour le Développement Opérationnel et la Promotion des Techniques Alternatives (eaux pluviales), qui a orchestré pour nous cette journée.


Le constat qui a conduit à cette visite outre-frontière est simple. L’urbanisation croissante induit une artificialisation massive des sols et engendre des impacts notoires : inondations (avec pour conséquence accidents, dégâts matériels, risques sanitaires et coûts économiques) ou encore dégradation de la qualité du milieu naturel. En effet, l’eau de pluie est souvent amenée vers le réseau d’assainissement (réseau unique) et lors de fortes pluies, celui-ci ne peut pas gérer cette arrivée massive et doit rejeter le surplus (eaux usées et eau de pluie) dans les milieux naturels. Pour répondre à cette problématique, ce sont le plus souvent des mesures curatives (bassins de stockage temporaire, augmentation de la capacité des stations d’épurations, etc.), qui sont mises en place. Ces solutions ont leur limite et ont un coût non négligeable.

À tout cela s’ajoute la variable des changements climatiques qui induit une augmentation en intensité des pluies.

Durant la matinée du 26 avril, les échanges avec les acteurs de terrain du Douaisis1 (élus, techniciens,…) ont permis d’aborder tous les aspects qui touchent à la pratique de la gestion préventive et durable des eaux de pluie . Car c’est à cela que s’attache

la CAD et l’ADOPTA depuis les années 1990 avec plus de 850 réalisations de techniques alternatives  sur le territoire du Douaisis.

D’une association locale ayant émergée pour répondre à un changement de politique de gestion des eaux pluviales, l’ADOPTA a depuis acquis un rayonnement national voire, international. La preuve en est vu l’intérêt d’acteurs wallons pour cette visite in situ…


Alors que faire ?


Comme le souligne Jean-Paul Fontaine, vice-président en charge de l’assainissement, de l’eau potable et de l’hydraulique à la CAD, « les bonnes pratiques doivent s’échanger. D’autant plus qu’elles ont un faible coût et ont fait leur preuve depuis une vingtaine d’années avec une baisse notoire des inondations. Â»

Des propos en toute modestie, car il ajoute « qu’aucune solution ne permettra de totalement faire face à la nature car celle-ci gagnera toujours Â».

Cette modestie face à la nature se retrouve d’ailleurs dans la philosophie d’ADOPTA : « rester le plus proche possible du cycle naturel de l’eau Â».

La logique découlant de leur philosophie est simple : « Il est possible de minéraliser sans imperméabiliser le sol Â». Pour cela, il faut infiltrer la goutte d’eau au plus près de son point de chute et lorsque ce n’est pas possible, stocker l’eau de pluie avant de la rejeter à faible débit vers le milieu naturel. Cette nouvelle gestion de l’or bleue a, en outre, de nombreux avantages : recharge des nappes phréatiques, développement et renforcement de la biodiversité, diminution des ilots de chaleur par la réintroduction de l’eau dans la ville, etc.

L’ADOPTA possède, pour répondre à cette gestion durable de l’eau de pluies, une boite à outils proposant différentes techniques alternatives (noues, chaussées à structure réservoir, revêtements perméables, espaces verts inondables, toitures vertes, etc.) permettant de s’adapter en fonction des contraintes du contexte (sol, milieu agricole ou urbain, etc.). Elles peuvent évidemment aussi se combiner.

Ces techniques ont cinq principes de base : ne pas concentrer l’eau, éviter le ruissellement (l’eau se charge alors en polluants), gérer au plus près du point de chute, intégrer l’eau dans l’urbanisme avec une double fonction des ouvrages (par exemple, une voirie acquiert à la fois une fonction mécanique pour la circulation et une fonction de gestion de l’eau ; un espace vert est un espace de loisir et également de gestion de l’eau) et enfin ne pas imperméabiliser. De toutes les techniques alternatives2 présentées par Maëlle Ancelle, on retiendra que la noue est la technique la plus simple à mettre en place.


Et dans la pratique ?


« La mise en Å“uvre de ces techniques alternative n’a pas révolutionné la façon de fonctionner sur les chantiers. C’est le même matériel qui est utilisé, explique Frédéric Houplin de l’Entreprise Jean Lefebvre. En effet, même si les premiers chantiers ont pu déstabiliser quelque peu les ouvriers, ceux-ci n’ont pas eu besoin d’une formation spécifique. Â» Il précise par ailleurs, que le terme « techniques alternatives Â» n’est plus utilisé. On parle de techniques d’assainissement et de gestion des eaux pluviales. (rmq : Propos d’emblée confirmés par toutes les Douaisiens présents autour de la table.)

De son côté, Ludovic Dennin, directeur du service assainissement à la CAD, insiste sur l’importance de « déraccordement Â» du réseau unique grâce aux techniques alternatives. La conséquence de cette technique s’illustre facilement: c’est l’équivalent d’une ville de 25 000 habitants qui ne rejetterait aucune eau pluviale dans le réseau de la CAD.

Aussi, tant que possible, les nouvelles constructions ne rejettent plus aucune goutte d’eau de pluie dans le réseau d’assainissement. Il n’est, bien entendu, pas toujours possible d’atteindre cet objectif dans une urbanisation déjà existante.

Enfin, sur la question de la gestion des pluies centennales, Jean-Jacques Herin de la CAD, relativise : « la bonne gestion veut qu’on ne va pas investir dans un ouvrage qui va ne servir que tous les cent ans. Il faut construire la ville de façon résiliente pour faire face aux pluies centennales. Le risque existe et il faut l’intégrer dans la vie de tous les jours. Â»


Mais combien ça coûte ?


Si les résultats sont probants, la mise en Å“uvre de telles techniques sont-elles pour autant supportables pour les finances d’une commune ou entité supracommunale ?

Tous les Douaisiens s’entendent, autour de la table, pour confirmer que les techniques alternatives n’engendrent pas ou peu de surcoût. En effet, le cumul de fonctions permet de ne pas occasionner de frais trop onéreux. Par exemple, la fonction voirie est couplée avec la fonction gestion des eaux pluviales puisqu’on est dans tous les cas obligé de faire le corps de chaussée. Ici, on évite même les bouches d’égout en fonte aux coûts importants, ainsi que leur entretien. Dans la majeure partie des cas, les travaux de gestion des eaux pluviales via des techniques alternatives sont mis en œuvre à l’occasion d’autres travaux.

Sur la réussite de cette nouvelle gestion de l’eau de pluie, le président d’ADOPTA note que le portage politique est, bien évidemment, nécessaire pour en asseoir sa légitimité. En outre, la réglementation doit être connue et appliquée et le changement politique doit être encadré. C’est là où l’ADOPTA permet d’accompagner la collectivité.

Et comme le souligne très justement Jean-Jacques Herin en guise de conclusion de la matinée d’échanges, la mise en place de ces nouvelles techniques est Â« une évolution et non une révolution Â».

 

L’après-midi de cette journée dans le Douaisis fut consacrée à une visite du show-room où les différents outils sont exposés en hors-sol et à un tour en car dans différents lieux où ceux-ci sont déjà en place depuis parfois plus de 20 ans. L’occasion de tester l’efficacité de l’enrobé non poreux à l’aide d’un bidon d’eau déversé sur la chaussée. La démonstration a suffit à convaincre !