"Yosh" du Théâtre EVNI

Yosh, c’est… d’accord, prêt, bon, bien, c’est parti.
C’est lui, elle et lui.
Un parfum de Japon aux accents bruxellois.
Yosh, c’est tendre et bagarreur, parfois haut et parfois solitaire.
C’est aujourd’hui fait d’hier, d’histoires qu’on vit, qu’on rêve, qu’on dit, qu’on ment.
Yosh, c’est vrai, j’te jure
Regarde...

Sur scène, trois individus. Un vieux, un jeune, une femme. Ils se préparent un espace comme on ouvrirait un livre. Un espace prêt à devenir ce que l’on voudrait qu’il soit. Un espace pour être qui l’on a envie d’être. Un espace fait de solitude et de rencontres. Une petite route où la réalité pourrait se transformer à chaque instant au gré des envies, du vent et des glissements de terrain. Une scénographie simple aux parfums de bois naturel, trois personnages, plus vrais que réels, déploient chacun une gestuelle, des mouvements, une danse qui mêle étrangement hip hop, contemporain et mime, teintée de fluidité asiatique.

À partir d’un rituel d’entrée qui met le silence, le respect et la solennité en jeu, un dessin dans l’espace s’élabore. Puis le sérieux fait place à l’humour, l’amour et l’amitié, pour nous emmener dans un tricot de souvenirs et de complicité, de clins d’œil et de jeux… Deux générations se rencontrent, pour revisiter avec tendresse l’histoire de leurs vies entrelacées… Et si c’était vrai ? Yosh, allez, allons voir ça !

Fujio Ishimaru, entouré de Colin Jolet et Elsa Debefve, déploie une danse d’une délicatesse folle, qui semble arrêter le temps pour s’attarder sur d’infimes morceaux de vie, d’innocents instants de complicité. Rien que des petits riens qui font un tout grandiose. Un tourne-disque balance le "Fever" de Peggy Lee, des esquisses de qi gong glissent dans de tendres luttes à bras-le-corps, de fines planches de bois s’effleurent dans des bruits de mer ou s’imbriquent dans de frêles châteaux de cartes.

Épuré mais jamais austère, Yosh est inracontable. Comme un origami, il prend toute sa splendeur dans de copieux pliages et dépliages, souvenirs du passé imbriqués dans un instantané de geisha, histoires de tatouages mêlées à de soudaines prises de judo, parfums nippons enchevêtrés à l’accent bruxellois. Comme un haïku, la pièce du Théâtre de l’Evni laisse les images en suspens. Le récit commence par les mots et se propagent dans les corps. La douceur guide ce trio d’une humilité lumineuse, soudé par bien plus qu’une vision artistique. Formidable porte ouverte à la danse contemporaine, Yosh devrait faire naitre quelques vocations. La démarche peut paraitre pointue mais le résultat est plus revivifiant qu’un cerisier du Japon au printemps.

Catherine Makereel, Le Soir