Dix critères pour déterminer un quartier durable ont été définis.
Le mot est à la mode. Aujourd’hui, tout doit être durable. Votre habitation, votre voiture ou même vos vacances. Un atout marketing non négligeable. Quid en architecture où les réalisations étiquetées durables sont légion ?
L’architecte Jean-Michel Degraeve a publié le livre « Habiter en quartier durable » (1). Il y dresse notamment une grille de dix critères pour analyser le caractère durable d’un quartier.
On entend tout le temps parler de durable aujourd’hui. Le terme n’est-il pas galvaudé, surtout dans le domaine de l’habitat ?
Il est clair que ce terme est utilisé à tout bout de champ. Construire une maison passive au milieu de la campagne n’a rien de durable puisque, par exemple, on a besoin de deux voitures pour se déplacer. Selon le rapport Bruntland, est durable ce qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs.
L’architecture peut-elle ne pas être durable ?
Bien sûr, cela dépend des exigences du client. Heureusement, à l’approche socio-économique classique qui primait auparavant, certains architectes ont ajouté la dimension environnementale. On s’y est intéressé assez peu jusqu’à présent, mais aujourd’hui, cela devient obligatoire. L’architecte n’a plus le choix : il doit penser durable.
La course à la rentabilité immédiate a-t-elle pris le pas sur la réflexion à long terme ?
C’est le problème de notre société. La question du coût supplémentaire fait peur. On privilégie ce qui est le moins cher. Un exemple : même sans les primes, les capteurs photovoltaïques restent très rentables. Les grandes entreprises de clé-sur-porte ont aussi pris conscience qu’il faut aller dans cette direction. Marketing ou non, elles y vont. C’est le principal.
Quelle est votre définition d’un quartier durable ?
Un quartier durable peut être défini comme un aménagement du cadre de vie qui intègre l’organisation sociale, le développement économique et le respect de l’environnement. Il exige en outre la mise en place d’une gouvernance transversale et participative. Tout cela implique de changer la manière dont on vit ensemble.
Vous avez établi une série de critères pour déterminer ce qu’est un quartier durable. L’idée est de mettre sur pied un « label durable » ?
Non, plutôt un référentiel. L’objectif de cette grille d’analyse est de relever les caractéristiques qui permettent de tendre vers un quartier durable. Il ne faut pas toutes les avoir, mais un maximum. Ces dix critères peuvent être divisés en trois axes sur lesquels il faut agir : le territoire, les techniques et l’humain. Pour le territoire, j’évoque la forme urbaine, c’est-à-dire la diversité fonctionnelle et la densité, la diversité sociale et l’éco-mobilité. Au niveau technique, on parle de l’eau, des matériaux et des déchets, de la biodiversité et de l’énergie. Enfin, le dernier axe aborde la dimension culturelle avec la qualité des paysages et de l’architecture, le confort, la santé et les processus participatifs.
Existe-t-il des quartiers que l’on peut qualifier de durables en Wallonie ?
Non, mais il y a des quartiers en transition vers le durable. J’en ai relevé sept dans mon livre (2). L’important n’est pas de remplir tous les critères mais de voir que les choses bougent. Mais il est évident que l’on pourrait faire mieux.
On est à la traine par rapport à d’autres pays européens ?
Oui, c’est clair. Nous sommes encore frileux en Belgique sur le partage entre lieu de travail et d’habitat. On est dans la rentabilité immédiate.
Faites-vous une différence entre éco-quartier et habitat durable ?
L’éco-quartier se veut une opération neuve exemplaire. Alors que le quartier durable est la transition vers du durable.
Comment changer les mentalités ?
L’élan doit venir des gens et le politique doit être le levier de cette volonté. Les techniques durables, cela ne coûte pas, cela rapporte. L’habitat durable doit être à notre société du XXIe siècle ce qu’a été la cité-jardin à la fin du XIXe !
> Xavier Attout
(1) 208 pages, 20 euros. Peut être commandé par e-mail : degraeve.jm@gmail.com.
(2) Les sept sites wallons étudiés sont Elea à Mouscron, le domaine des Pléiades à Visé, la Cité Jardin à La Louvière, le Pic au Vent à Tournai, L’ile aux oiseaux à Mons, le quartier de Lauzelle à Louvain-la-Neuve et le quartier Saint-Léonard à Liège.