Centre culturel du Brabant... / Discours de Marie-Odile Dupuis, Théâtre des 4 Mains
OttokarVI - INAUGURATION

Discours de Marie-Odile Dupuis, Théâtre des 4 Mains

À l'occasion de l'inauguration d'OttokarVI, Marie-Odile, du Théâtre des 4 Mains, a pris la parole au nom de tous les comédiens de la Fédération Wallonie-Bruxelles. En quelques lignes, elle nous parle d'un théâtre d'émotions, un théâtre indispensable, un théâtre qui fait du bien.
Madame La Ministre

Monsieur le Député provincial

Chers animateurs et administrateurs du CCBW,

Chers passionnés du Théâtre Jeune public

Je prends la parole au nom des compagnies de théâtre Jeune public, celles du Brabant wallon et toutes celles de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

On m’a demandé de parler des raisons qui me font aimer ce métier. Il y a quelques jours, dans une petite commune de Wallonie , une fillette nous a dit devant les 200 enfants qui venaient de voir le spectacle avec elle : « Vous avez fait bouger mon cœur … »

En FWB, plus de 60 compagnies de théâtre professionnelles créent  chaque année des spectacles de qualité prioritairement à destination des enfants et des jeunes, avec cette conviction que le théâtre aide à la construction d’un monde plus sensible, plus ouvert, et qu’il provoque la réflexion, le débat, les rencontres.

Ces compagnies très actives ont cependant beaucoup moins de visibilité que le théâtre pour adultes car 75 % de leurs représentations se déroulent dans le cadre scolaire. Un festival comme Ottokar est pour nous une de ces trop rares occasions de mettre le focus sur notre activité et de mettre en évidence ces nombreuses représentations scolaires et Tout public que nous jouons à longueur d’années, ces mises en scènes audacieuses, ces scénarios longuement pensés à destination des enfants ou des jeunes, ces décors que nous trimbalons de village en village avec nos camionnettes bariolées, ces équipes consciencieuses et passionnées qui font nos compagnies.

Le bus que nous avons décidé d’animer durant tout ce mois de mars est une sorte d’échantillon de notre métier, et nous sommes heureux de le faire tourner dans toute la Province. Les 6 compagnies du BW ont choisi ensemble cette formule dans l’idée de montrer la vie qui circule dans ce secteur et la passion commune qui nous lie.

J’ai la chance de faire ce métier depuis 30 ans et de pouvoir mesurer à travers deux, voire trois générations, l’impact concret de notre passage. Aujourd’hui, un grand nombre d’adultes vont au théâtre car ils y ont vécu des expériences fascinantes étant petits, un grand nombre d’adultes sont des spectateurs réceptifs et ouverts car, petits, ils ont vu des formes diversifiées de théâtre, un grand nombre de jeunes parents emmènent leurs enfants au théâtre car ils cherchent à faire découvrir à leurs enfants les mêmes émotions que celles qu’ils y ont connues.

Les spectacles de théâtre Jeune public sont soumis en FWB à une évaluation très stricte des pouvoirs publics qui attribuent ou non une aide à la diffusion de ces spectacles dans le cadre des heures de cours. Le théâtre à l’école n’est donc pas un simple loisir ou une simple sortie récréative au rang de laquelle il est trop souvent relégué. Nous sommes des chainons incontournables de l’éducation et avons cette chance, mais aussi cette responsabilité, d’être les seuls à amener le théâtre dans toutes les couches de la population grâce à l’école. Le théâtre Jeune public fait rentrer le théâtre dans les familles de tous milieux sociaux par le biais enthousiaste des enfants.

Voici un exemple concret :

La semaine dernière, notre compagnie était installée pour 6 représentations scolaires au centre culturel de Athus, au fin fond de la Gaume. Après notre passage, nous avons appris que plusieurs parents s’étaient rendus au centre culturel pour demander ce qu’était ce spectacle dont les enfants n’arrêtaient pas de parler ? où pouvait-on le voir ? comment se procurer l’affiche ou le CD ?

C’est ainsi que le théâtre Jeune public devient aussi Tout public. Tout en gardant l’enfant au centre de leurs préoccupations artistiques, les compagnies Jeune public se défendent de faire un théâtre bêtifiant, réducteur ou mercantile.

Nous sommes des passeurs d’émotion  pour les tout-petits, les petits, les jeunes et les familles, et nous sommes passionnés par cette démarche-là.

Le théâtre pour enfant fait du bien, il réconcilie beaucoup d’adultes avec le théâtre, il rassemble les familles, il offre une occasion de vibrer ensemble loin des écrans de télévision ou d’ordinateur, il oblige à éteindre le gsm, à se serrer les uns contre les autres, à réfléchir. Il donne envie de s’exprimer, de donner son avis. Il apporte une bouffée d’oxygène dans la vie de l’école. Il donne l’occasion  à l’enseignant ou au parent d’aborder des thèmes délicats, d’une autre manière que la leçon. Il peut aborder tous les sujets avec poésie, images ou humour.

Aujourd’hui, notre société peut se réjouir que de plus en plus de jeunes artistes s’intéressent à ce théâtre, que beaucoup de centres culturels le programment, que les écoles de théâtre le valorisent enfin, ainsi que de grands lieux culturels. Malheureusement, alors qu’il explose d’un point de vue de la création, le monde de l’éducation ne lui attribue pas la place qu’il mérite. Et les moyens financiers restent insuffisants : trop d’enfants n’y ont toujours pas accès, trop d’artistes ne sont toujours pas payés à leur juste valeur, trop de compagnies composent avec des bouts de ficelle. Le théâtre Jeune public doit avoir une place incontournable à l’école et dans les centres culturels. Nous nous réjouissons d’avoir une Ministre qui a dans ses attributions l’Enseignement et la Culture et espérons que cette collaboration essentielle entre théâtre Jeune public et éducation sera renforcée.

Je terminerai en remerciant le CCBW et tous les centres culturels du BW de s’être investis pleinement dans cet Ottokar 2015.

Marie-Odile Dupuis et Benoit de Leu
Théâtre des 4 Mains / 2 mars 2015