Une camionnette grise, tout ce qu’il y a de plus banale, se gare le long du chemin de passage… En sortent trois jeunes femmes en jeans, l’air avenant. Il est 15 heures. Elles s’affairent : il est temps de retirer de l’engin deux tables, quelques tabourets, un parasol, un comptoir de brocante où sont posés d’anciens gros flacons de pharmacie remplis d’un liquide doré. Un petit monde de couleurs s’installe et, déjà, l’une des animatrices interpelle des jeunes à la buvette ainsi que des passantes, leur montrant du doigt les flans du véhicule qui portent l’inscription : "La vie bouge en Brabant wallon. Vos habitudes, vos quartiers, dites-nous tout...". D’autres passants reçoivent un "Bonjour, voulez-vous boire un sirop ?". Pressés de s’abriter car il commence à pleuvoir ou déjà bien abreuvés, ils déclinent la proposition. Ce manque d’intérêt ne semble pas décourager les trois jeunes femmes car elles savent que tôt ou tard il sera possible d’engager une vraie discussion autour d’un gobelet. Quel sirop choisir fait souvent rire, et parmi les goûts proposés, on constatera, à la façon dont les flacons se vident, une plus importante consommation de "convivialité" et de "solidarité" que d’ "environnement" ou de "services". Il faut dire que nous sommes aux Moissons de l’Amitié à Chastre et que les curieux qui s’approchent sont sans doute motivés par ces valeurs chères aux jeux intervillages. Mais ce n’est pas la seule raison car tous partagent aussi le fait d’apprécier la vie du coin et leurs voisins.
On discute encore un peu sous le parasol devenu parapluie, la simplicité de l’échange suffit à convaincre de monter dans la camionnette et de se prêter au jeu de la caméra, du micro et des questions. La porte de Micro Mobile se referme. À l’intérieur, dans un décor de petit salon sympa et intime, en présence de la deuxième animatrice, l’entretien se déroule de manière décontractée et agréable.
L’interview ne dure que 5 à 10 minutes. À la sortie, les réactions relevées à chaud sont positives mais brèves aussi car la fête et les jeux rappellent à eux ces Brabançons qui ont accepté de témoigner de leur vie dans cette Province en changement. "Les questions ne sont pas compliquées, c’est une chouette expérience" dit Bénédicte. "Pourtant, donner mon avis, dire ce que j’aime ne m’est pas facile ! C’est pourquoi, généralement, je ne fais pas ce genre de choses." Philippe, lui, aime ce type d’exercice, s’exprimer et parler directement avec les gens, "aussi bien avec Louis Michel qu’avec le maçon". Il juge que les contacts via les nouvelles technologies font aussi partie de la culture actuelle et déplore les difficultés de connexion dans son quartier. Monique manifeste son attachement à sa région. "Moi, dans mon quartier je m’y sens bien. Cela ne relève pas tant de la culture que de l’éducation et du fait d’avoir appris à être heureux de ce que l’on a". Elle se dit curieuse de découvrir ce qui sera fait de cette récolte de témoignages : "Je me réjouis de voir cette exposition". Ariane est passée et repassée devant Micro Mobile avant de se laisser interviewer pendant plus d’un quart d’heure. "C’est sympa, mais je parle trop" dit-elle, ensuite, très souriante, "c’est pour cela que j’ai tant hésité à y aller. J’ai trop à dire !". Le plus marquant sera le visage de Niels à sa sortie : "Ça pose question, je n’en reviens pas !" Le jeune homme abordait l’entretien avec légèreté : pour faire plaisir et parce que ça ne lui faisait pas peur de se faire filmer. Maintenant, il semble un peu remué. Il vient de se rendre compte que rester en Brabant wallon et s’y loger comme il le souhaite pourrait n’être pas si facile…
Marie-Pierre Uenten