Les marges pour réaliser des logements publics à l’architecture de qualité sont faibles. Cela ne doit toutefois pas empêcher de réaliser de beaux projets, estiment les quatre interlocuteurs réunis lors du dernier Midi de l’urbanisme. Ils lancent une série de pistes pour améliorer le secteur.
Mathieu Michel, député provincial
« La créativité d’un architecte est sans limite. Il joue un rôle fondamental dans l’évolution du logement public. Certains architectes se remettent beaucoup plus en question que d’autres pour réduire les coûts et proposer une architecture de qualité. Il faut en tout cas refuser la facilité (…) Dans l’attribution de marchés publics, considérer le prix comme critère prioritaire est un mauvais choix. Cela peut réduire la qualité de vie des résidents et freiner l’émancipation. L’objectif est d’avoir des logements publics les moins chers possibles mais pas nécessairement aux prix les moins chers. Car la qualité, énergétique ou architecturale, ne doit pas être négligée. J’estime par ailleurs que ce sont des experts qui devraient sélectionner les projets (…) Le secteur du logement public souffre du règne de la facilité. Toutefois, le logement public n’a pas non plus vocation à être précurseur dans toute une série de domaines. »
Sophie Dawance, auteure d’un livre sur le logement
« Par rapport au reste de la Wallonie, l’architecture publique en Brabant wallon reste relativement conservatrice. Les projets sortent rarement des sentiers battus (…) L’ancrage d’un logement dans un contexte, sa bonne intégration, est un élément majeur. Il ne faut pas stigmatiser une population en les installant dans un bâtiment particulier. L’intégration de ce bâtiment dans le paysage est capitale. Cela permettra de dissimuler la présence du logement social dans le bâti (…) Le coût est un élément important, mais cela ne doit pas empêcher de proposer des logements de grande qualité et qui s’intègrent sans dénoter. Mais j’estime que la qualité architecturale se juge aussi par la capacité à offrir de l’espace aux habitants. »
Nicolas Cordier,directeur-gérant de Notre Maison
« Sur 100 points, une quarantaine concernent le prix. Par rapport au secteur privé, nous n’avons rien à lui envier au niveau du prix au m2 locatif. Il ne faut pas se voiler la face : la principale difficulté du secteur reste budgétaire. Un logement d’une chambre coûte 110 000 euros (HTVA) et un logement de trois chambres 160 000 euros (HTVA). À ces tarifs-là, il est très compliqué de mettre en avant une architecture exemplaire. Cela reste un souci important pour nous, mais les performances énergétiques le sont encore davantage. Si nous avions 15 % de budget en plus, nous pourrions proposer sans problème des logements qui ont une réelle qualité architecturale.
Quand nous recevons des offres dans le cadre d’un marché public, nous espérons toujours avoir des projets de qualité. Le problème, c’est que c’est loin d’être le cas. »
Georges Brutsaert, architecte
« Il ne faut jamais oublier qu’un architecte ne travaille pas pour lui-même mais pour la société. Ce qu’il réalise aura une influence fondamentale sur le cadre de vie. Il a réellement un rôle public. Et doit donc s’adapter au cadre dans lequel il s’inscrit. Si les décideurs politiques souhaitent voir de la qualité architecturale dans les projets qu’ils commandent, ils doivent laisser du temps aux architectes pour travailler. Trop souvent, nous sommes pressés par le temps et n’avons pas l’opportunité de revoir notre copie ou d’approfondir notre projet. C’est très frustrant et cela entrave le développement d’une architecture de qualité dans le logement public. (…) Par ailleurs, j’estime que tout n’est pas à jeter dans le logement public . L’architecture est souvent de meilleure qualité que dans le privé. »
Propos recueillis par Xavier Attout
Cet article est issu de notre mensuel Espace-Vie de novembre 2013 disponible en ligne ici.