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Une journaliste

Journaliste à "La Libre Belgique" depuis 23 ans, Laurence Bertels suit l'actualité scénique avec assiduité et bonheur.
© Johanna de Tessières
Elle ressent un véritable coup de foudre pour le théâtre jeune public lorsqu’à l’occasion du festival Noël au théâtre, elle va voir Hulul proposé à l’époque par le théâtre du Papyrus. La journaliste est alors complètement sous le charme et fascinée par l’inventivité de la scénographie. À tel point qu’elle envoie son collègue cinéma voir ce même spectacle. Il en revient bluffé ! "On rentrait dans un arbre creux. Cela donnait une très belle proximité avec le spectateur et une écoute exceptionnelle."

Comme toutes les autres matières, professionnellement Laurence Bertels aborde le théâtre jeune public avec rigueur, enthousiasme et curiosité et avec le souci d’élargir le propos, d’y intéresser le plus grand nombre. Ce qui lui semble plus difficile que dans d’autres disciplines, comme la littérature ou le cinéma, parce qu’il est moins médiatisé. La spécialiste regrette d’ailleurs qu’il ne soit pas plus connu et reconnu, que les gens qui emmènent les enfants au théâtre sont rares et que nombreux sont ceux qui pensent que ce n’est pas fait pour eux.

Se prêtant au jeu du portrait chinois, Laurence Bertels souligne que comme Le petit bonheur chanté par Félix Leclercq, le théâtre jeune public a un côté "prends-moi", "reconnais moi". Un côté nounours, aussi, "qu’on a envie de serrer dans ses bras". Indéniablement, la journaliste est très attachée à la discipline à laquelle elle voue une plume fervente.

"Le théâtre jeune public offre plusieurs degrés de lecture. Ce qui lui donne une certaine profondeur quand il est de qualité. Comme le dit Ariane Mouchkine, du Théâtre du Soleil, 'quand un spectateur est content, il a cinq ans'. Certaines personnes sont venues la voir en pleurs.

Inventivité et créativité de la scénographie

Le théâtre jeune public montre une inventivité et une créativité dans la scénographie. Elles sont conditionnées par le manque de moyens qui demande beaucoup d’astuce de la part du metteur en scène. Ce sont des contraintes porteuses. Cette créativité fait du théâtre jeune public  un secteur très en pointe et parfois beaucoup plus avant-gardiste que le tout public. Par exemple, la marionnette qui est un secteur de pointe utilisé même au cinéma. C’est le cas aussi du théâtre d’objets. Certaines personnes du secteur artistique viennent aux rencontres de Huy pour découvrir les vents nouveaux. En près de 20 ans, le théâtre jeune public  est beaucoup plus connu et présent dans les grands théâtres.

Autre chose importante : l’engagement du théâtre jeune public. Il y a un discours politique et démocratique qui vise à permettre à chaque enfant d’avoir accès gratuitement au théâtre grâce à la diffusion de spectacles dans le cadre scolaire. Or, en Fédération Wallonie-Bruxelles, seul un enfant sur quatre y a accès.

Vibrer à l'unisson

À côté du multimédia et du monde virtuel qui offrent la possibilité de tout voir sans sortir de chez soi, le théâtre permet de sortir ensemble et de vibrer à l’unisson, de sentir le fluide qui passe dans une salle.

Là où le théâtre jeune public est le plus intéressant et le plus créatif, c’est pour les tout petits, quand il n’y a pas encore la parole. Il y a une richesse artistique très grande, d’autres codes de communication. C’est un théâtre qui parvient à se rendre accessible à des enfants qui ne parlent pas. Le théâtre jeune public est intelligent, mais pas intellectuel, parce qu’il s’adresse à un public qui n’a pas de références. C’est beaucoup plus relationnel. Comment l’enfant se situe dans le monde, dans la famille, par rapport à d’autres enfants… ça peut créer beaucoup d’émotions parce que ça les renvoie à des choses qu’on a étouffées. Dans Dégage petit, inspiré du conte du vilain petit canard, Agnès Limbos rejoue l’histoire de l’enfant rejeté. Après le spectacle, des gens viennent la voir en pleurs. C’est un théâtre qui va à l’essentiel. Il nous surprend aussi, parce qu’on est rattrapé par une émotion sans s’y attendre.

La question de l’accès au théâtre jeune public reste problématique. Le prix du bus est plus cher que la place de théâtre elle-même ! L’accès au théâtre jeune public n’est toujours pas aisé, parce qu’il n’est pas assez connu, il n’a pas pignon sur rue. Il est nomade, va à la rencontre de son public, mais n’est pas identifié, sauf à La Montagne Magique. Ce sont souvent des petites jauges, adaptées au système scolaire. On dit qu’un enfant sur quatre va au théâtre, mais parfois c’est le même enfant qui est compté plusieurs fois."

Les plus grands défis

Pour Laurence Bertels, les plus grands défis que rencontre le théâtre jeune public sont :
- la nécessité de toucher un enfant sur un ;
- obtenir une vraie reconnaissance. "Si on fait un micro-trottoir, personne ne peut dire ce qu’est le théâtre jeune public" ;
- rester à la pointe, rester inventif, continuer à regarder ce qui se fait à l’étranger et garder sa propre bonne réputation. Le théâtre jeune public belge est un label de qualité ;
- assurer la relève ;
- continuer à défendre un propos, alors que le climat politique est moins engagé.

Voici le portait chinois.
En parlant du théâtre jeune public, si c'était un pays, ce serait... ?
La Belgique, parce qu’elle est tellement belle et qu’il y a tellement de belgitude dans le théâtre jeune public.
Un conte pour enfant ?
La petite fille aux allumettes, parce que c’est un conte qui traverse beaucoup de thématiques : pauvreté, rêve, relations familiales, audace, faim, rêve de Noël, neige...
Un jouet ?
Un nounours qu’on a envie de serrer dans ses bras
Une chanson ?
Le petit bonheur de Félix Leclercq, parce que c’est du bonheur et qu’il y a un côté 'prends-moi', 'reconnais moi', ou L'envol d'une colombe, puisque c'est aussi un théâtre qui donne des ailes et encourage à l'autonomie d'agir et de penser.
Un personnage de fiction ?
Peter Pan, l’imaginaire, l’enfant qui ne veut pas grandir. On passe d’un monde à l’autre.