Centre culturel du Brabant... / Les marchés publics de plus en plus dénoncés par les architectes
NEWS

Les marchés publics de plus en plus dénoncés par les architectes

Le manque de transparence des marchés publics

Le constat n’est pas neuf. Mais il ne s’améliore pas. Le manque de transparence des marchés publics agace les architectes. Tout comme le manque de respect du pouvoir adjudicateur. Des pistes existent pourtant pour sortir la tête de l’eau.

Suspendus, annulés voire truqués. Les marchés publics n’ont pas toujours bonne presse dans le milieu architectural. Les critiques sont nombreuses et vastes. Il suffit de tendre l’oreille dans un bureau d’architecture pour entendre l’une ou l’autre anecdote pas piquée des vers. Comme celle-ci : une dizaine de bureaux travaillent sur un projet de commissariat suite à un appel à projets. Chacun bosse quelques dizaines d’heures dessus. Et puis, tout à coup, sans même prévenir les architectes, la commune annule le marché car elle se rend compte qu’elle n’est pas propriétaire du terrain. Un dédommagement pour les heures prestées ? Les architectes l’attendent toujours. Et peuvent encore l’attendre longtemps… « Les exemples de ce type sont légion, explique l’avocat Philippe Flamme, qui planche actuellement sur une évaluation des recommandations lancées il y a deux ans par l’Ordre des architectes. On peut ajouter les architectes qui travaillent des centaines d’heures pour rien, le marché attribué avant la procédure, le cahier des charges pas clair, l’administration qui téléphone à un bureau d’archi pour qu’il présente un dossier, l’achat du cahier des charges, etc. Il est temps de mettre de l’ordre. »


Une série de recommandations 

Une demi-douzaine de propositions avaient été lancées à l’époque, telles qu’une interdiction des prestations gratuites (tout travail mérite salaire), la mise en place d’un jury compétent lors de l’évaluation des projets, la suppression du critère des honoraires dans les critères obligatoires d’attribution, la mise en avant de la qualité du projet (au détriment des honoraires), la sanction des offres « anormalement basses » ou encore l’amélioration de la promotion des jeunes architectes. « Il y a eu une évolution lente et qui va dans le bon sens, poursuit Philippe Flamme. Mais pas chez tous les opérateurs publics. De nombreux pouvoirs adjudicateurs ne traitent pas la commande comme ils devraient le faire. En Wallonie, il manque un moyen de pression pour faire avancer les choses, comme c’est, par exemple, le cas à Bruxelles avec le maitre-architecte Olivier Bastin. Parmi les nouveautés que nous ajouterons dans les prochaines recommandations, il y aura notamment la question du rôle de l’architecte dans les partenariats public-privé. Il est trop souvent mis de côté au profit des financiers. Mais de manière générale, on s’aperçoit que ce n’est pas la loi qui est en cause mais son application.» 

Lassés par quelques mauvaises expériences et désireux de s’unir pour se faire entendre, quelques grands bureaux wallons ont décidé de créer un groupement d’architectes baptisé A7. L’objectif est de s’opposer à certaines situations négatives pour la profession. Ils marchent sur le chemin tracé par le G 30, une association d’architectes qui vise à promouvoir et améliorer l’exercice de la profession. « Il n’y a que de cette manière que nous pouvons être entendus, lance cet architecte du bureau Syntaxe. Il faut aussi davantage communiquer sur les manquements.»


Un taux de réussite de un sur dix

La situation s’est tendue depuis la crise économique. De plus en plus de bureaux scrutent les marchés publics, histoire d’occuper leur personnel. Le taux de réussite devient donc de plus en plus faible. En moyenne, on estime qu’un bureau emporte un marché sur dix. Or, il faut parfois un millier d’heures pour boucler un projet d’envergure. « Les pouvoirs publics n’imaginent pas le nombre d’heures passées sur un projet, explique-t-on au sein de l’Association des Architectes du Brabant wallon. C’est une des plus grandes problématiques. Car les architectes sont rarement rémunérés pour ce travail. Or, c’est une demande forte du secteur : tous les bureaux qui remettent une offre doivent être rémunérés ! Et honnêtement. Un entrepreneur n’accepte quand même pas de construire 60 % du bâtiment avant de voir un franc tomber et de signer un contrat. Or, c’est ce qu’on nous demande. » 

Parmi les pistes évoquées pour améliorer la situation, on retiendra donc celle d’un maitre-architecte pour la Wallonie, d’un lobbying plus intense auprès des autorités ou encore d’une prise de conscience des adjudicateurs par rapport au manque de respect dont ils font preuve. Récompenser les bons marchés publics par le biais d’un concours est enfin également avancé.

 

> Xavier Attout 


Tiré de l'Espace-Vie d'octobre 2013.