Centre culturel du Brabant... / Une enseignante
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Une enseignante

Virginie Marin est professeur dans l'enseignement secondaire supérieur technique et professionnel. Depuis quelques années, elle emmène ses élèves au théâtre.


Quelle est votre définition du Théâtre Jeune Public ?
Il m'est très difficile de le définir, je parlerai du théâtre en général. Le théâtre représente pour moi un art vivant, oral... de la parole et du visuel. Il doit être motivant, avec une accroche pour que les élèves restent jusqu'au bout. Comme les élèves se trouvent avec des humains en face d'eux... ce n'est pas du cinéma, ils ne peuvent pas faire "pause" !

Quels seraient les éléments accrocheurs pour vos élèves ?
Les costumes, la façon dont les acteurs bougent sur la scène. Si c'est statique, les élèves décrochent vite, mes élèves ont besoin de voir bouger, ils font partie de la génération zapping. Le fait de  mêler la "littérature" avec les nouvelles technologies, avec la projection d'images filmées les captive car "l'image" est propre à leur génération.

Avez-vous un exemple de spectacle qui a plu à vos élèves ?
Happy slapping, à l'unanimité, car les élèves ont pu rentrer dans le sujet, de surcroît très dur, parce qu'il y avait un intérêt pour les nouvelles technologies. Ils ont vraiment vécu le spectacle.

Comment choisissez-vous un spectacle pour vos élèves ?
Je ne choisis pas spécialement parce que pour moi, tout le théâtre est bon à montrer aux élèves dans une idée d'ouverture. Dans le cadre du cours du français, je veux vraiment qu'ils s'ouvrent à cette culture, je veux tenter de leur communiquer ma passion d'aller au théâtre. Tous les spectacles méritent d'être vus pour autant qu'une discussion soit engagée, même si on n'aime pas tous les spectacles. Pour les 4e années, j'ai vraiment choisi car  les élèves doivent lire Oh Boy, le roman de Marie-Aude Murail, et je voulais qu'ils voient le spectacle dans le but de faire des parallèles entre la lecture et le théâtre.

Comment abordez-vous un spectacle avec vos élèves ? Introduisez-vous un spectacle ?
Oui, j'essaie que le Centre culturel vienne présenter le spectacle. Les élèves me semblent plus intéressés quand il y a une tierce personne, ce n'est pas toujours le regard du professeur de français, je suis moins crédible. Ils sont plus à l'écoute quand quelqu'un d'extérieur vient en classe.

Si il y a un dossier pédagogique, de diffusion ? Le distribuez-vous avant ?
Oui, parfois. On discute toujours de l'intrigue avant le spectacle pour savoir à quoi ils doivent s'attendre, mais je veille à ne pas trop en dire pour réserver les surprises. J'annonce au moins le titre du spectacle et je veille à ce qu'ils sachent un minimum à quoi s'attendre au niveau genre, du style. Si le thème est plus historique, j'introduis la période de l'histoire ou bien l'auteur, s'il s'agit de l'adaptation d'une œuvre littéraire.

Quelles questions posent les élèves ?
Les questions sont d'ordre économique, ils trouvent le prix élevé.

Quelles difficultés rencontrez-vous pour emmener vos élèves au théâtre ?
Je n'en rencontre pas avec mes élèves car, pour eux, aller au théâtre signifie ne pas rester à l'école, ils sortent du cadre et ça les motive. J'espère quand même qu'ils sont motivés par l'art du théâtre et par la découverte du théâtre. En interne, avec les collègues, cela s'organise assez facilement car souvent les cours ne sont pas trop "manqués", les spectacles ont lieu pendant mes heures de cours avec eux, les professeurs  des cours qui suivent nous accompagnent. En général, je n'exagère pas... on vient à pied, ça prend moins de temps et il ne faut pas réserver de bus.

Qu'est-ce qu'un spectacle réussi pour les élèves ?
C'est un spectacle où il y a une part d'humour, qu'ils comprennent. S'ils ont rigolé, c'est en partie réussi. Et aussi, ça doit bouger, ça ne doit pas rester statique. Le spectacle doit être moderne, en rapport avec leur temps. Un classique comme Tartuffe de Molière les toucherait moins, car j'ai l'impression que mes élèves ne seront pas attirés par du classique. C'est peut-être dû à leur orientation, sportive, électro-mécanique... Si je ne vais pas au théâtre avec eux, ils n'iront jamais, ni d'eux-mêmes, ni avec leur famille. C'est vraiment ma mission de les faire sortir, c'est primordial... pour moi ! C'est un rôle vraiment important de les y emmener, même si le spectacle ne leur plait pas. Les élèves doivent comprendre le lien avec leur vie, leur vécu et leur époque.

Quel genre de spectacle allez-vous voir avec vos élèves ?
Je les emmène pour découvrir différents genres, mais ils sont un peu réticents pour la danse et la marionnette. Ils ont par contre apprécié un spectacle dans lequel il y avait du Hip Hop. Ils ont pour la plupart apprécié Le Cid de l'Infini Théâtre, car avec un texte très classique, la mise en scène et le jeu des comédiens étaient très dynamiques.

Avez-vous eu un coup de coeur pour un spectacle en particulier ?
Race et La robe de Gulnara, très poétique, mais je ne suis pas sûre qu'ils plaisent aux élèves.

Qu'appréciez-vous dans le fait d'emmener vos élèves au théâtre ?
L'ouverture d'esprit que cela suscite. Je me sens investie de la mission de les emmener dans des endroits culturels qu'ils ne fréquenteraient pas avec leurs parents. Je me dois de leur faire visiter des lieux qu'ils ne connaissent pas et qu'il est extrêmement important de connaître dans la vie comme le théâtre de la Monnaie »  ou un musée, le musée Magritte, le Waux-Hall... Au moins ils auront vu  de quoi il s'agissait, même s'il n'en font rien après, dans leur vie... Toutes les visites culturelles ouvrent un débat, une discussion ! J'apprécie aussi qu'un spectacle entame des débats. Les discussions ne viennent pas tout de suite, il faut parfois discuter un quart d'heure avec les élèves avant qu'ils n'entrent dans le sujet, dans leurs questions.

Y-a-t-il un lieu pour présenter des spectacles dans l'école ?
Oui, il y a une scène, mais souvent ce sont les élèves qui l'investissent avec l'un ou l'autre professeur quand ils montent une pièce de théâtre. Un professeur a réécrit Roméo et Juliette avec les élèves de la section d'animation. Le professeur a fait un travail énorme avec les élèves quant à l'adaptation,  l'interprétation du spectacle qui a été ouvert aux 5e et aux Rhéto.

Quelle différence faites vous entre le fait d'aller dans une salle de spectacle et de voir un spectacle au sein de l'école ?
C'est bien de se familiariser avec une salle culturelle qu'ils pourraient fréquenter plus tard, cela leur fait une bouffée d'oxygène, il y a un respect des lieux. En même  temps, dans l'école, le spectacle amènerait de l'art... les élèves seraient plus conscients que les professeurs sont motivés pour leur proposer de la culture, la culture viendrait à eux, on prouverait qu'on s'intéresse à eux, qu'on fait pour eux, beaucoup de choses...

Les élèves ont-ils peur de nos attentes par rapport à eux ?
Non, mais ils trouvent le théâtre plus ringard, ils associent cela au monde adulte. Les 6e ont peur d'être jugés, surtout les sections non-générales. Ils ont un a priori par rapport au théâtre et ils n'ont pas tous eu l'habitude d'aller au théâtre petits.

Avez-vous des problèmes de mobilités pour venir aux spectacles ? 
Non car justement, la proximité du lieu de diffusion nous permet de venir à pieds, Mon directeur est très content, car je ne mobilise pas de car et je ne rabote pas trop d'heures de cours !

Comment organisez-vous le déplacement à pieds jusqu'au Waux-Hall ?
Comme les élèves sont en 5e et 6e, ils peuvent sortir pendant midi. Nous leur donnons donc rendez-vous directement au Waux-Hall 15 minutes avant le spectacle afin de les rassembler et de prendre les présences. Nous partons de l'école à 13h30 avec ceux qui ne connaissent pas le centre de Nivelles.




Propos recueillis par Isolde Caussin
Animatrice Jeune public et scolaire
Centre culturel de Nivelles