Le
constat qui a conduit à cette visite outre-frontière est simple. L’urbanisation
croissante induit une artificialisation massive des sols et engendre des
impacts notoires : inondations (avec pour conséquence accidents, dégâts
matériels, risques sanitaires et coûts économiques) ou encore dégradation de la
qualité du milieu naturel. En effet, l’eau de pluie est souvent amenée vers le
réseau d’assainissement (réseau unique) et lors de fortes pluies, celui-ci ne
peut pas gérer cette arrivée massive et doit rejeter le surplus (eaux usées et
eau de pluie) dans les milieux naturels. Pour répondre à cette problématique,
ce sont le plus souvent des mesures curatives (bassins de stockage temporaire,
augmentation de la capacité des stations d’épurations, etc.), qui sont mises en place. Ces solutions ont leur limite et
ont un coût non négligeable.
À tout
cela s’ajoute la variable des changements climatiques qui induit une
augmentation en intensité des pluies.
Durant
la matinée du 26 avril, les échanges avec les acteurs de terrain du Douaisis1
(élus, techniciens,…) ont permis d’aborder tous les aspects qui touchent à la
pratique de la gestion préventive et durable des eaux de pluie . Car c’est
à cela que s’attache
la CAD
et l’ADOPTA depuis les années 1990 avec plus de 850 réalisations de techniques
alternatives sur le territoire du
Douaisis.
D’une
association locale ayant émergée pour répondre à un changement de politique de
gestion des eaux pluviales, l’ADOPTA a depuis acquis un rayonnement national
voire, international. La preuve en est vu l’intérêt d’acteurs wallons pour
cette visite in situ…
Alors que faire ?
Comme
le souligne Jean-Paul Fontaine, vice-président en charge de l’assainissement, de
l’eau potable et de l’hydraulique à la CAD, « les bonnes pratiques doivent s’échanger. D’autant plus qu’elles ont un
faible coût et ont fait leur preuve depuis une vingtaine d’années avec une
baisse notoire des inondations. »
Des
propos en toute modestie, car il ajoute « qu’aucune solution ne permettra de totalement faire face à la nature
car celle-ci gagnera toujours ».
Cette
modestie face à la nature se retrouve d’ailleurs dans la philosophie d’ADOPTA :
« rester le plus proche possible du
cycle naturel de l’eau ».
La
logique découlant de leur philosophie est simple : « Il est possible de minéraliser sans
imperméabiliser le sol ». Pour cela, il faut infiltrer la goutte d’eau
au plus près de son point de chute et lorsque ce n’est pas possible, stocker
l’eau de pluie avant de la rejeter à faible débit vers le milieu naturel. Cette
nouvelle gestion de l’or bleue a, en outre, de nombreux avantages : recharge des nappes
phréatiques, développement et renforcement de la biodiversité, diminution des
ilots de chaleur par la réintroduction de l’eau dans la ville, etc.
L’ADOPTA
possède, pour répondre à cette gestion durable de l’eau de pluies, une boite Ã
outils proposant différentes techniques alternatives (noues, chaussées à structure réservoir, revêtements perméables,
espaces verts inondables, toitures vertes, etc.)
permettant de s’adapter en fonction des contraintes du contexte (sol, milieu
agricole ou urbain, etc.). Elles
peuvent évidemment aussi se combiner.
Ces
techniques ont cinq principes de base : ne pas concentrer l’eau, éviter le
ruissellement (l’eau se charge alors en polluants), gérer au plus près du point
de chute, intégrer l’eau dans l’urbanisme avec une double fonction des ouvrages
(par exemple, une voirie acquiert à la fois une fonction mécanique pour la
circulation et une fonction de gestion de l’eau ; un espace vert est un
espace de loisir et également de gestion de l’eau) et enfin ne pas imperméabiliser.
De toutes les techniques alternatives2 présentées par Maëlle
Ancelle, on retiendra que la noue est la technique la plus simple à mettre en
place.
Et dans la pratique ?
« La mise en œuvre de ces techniques
alternative n’a pas révolutionné la
façon de fonctionner sur les chantiers. C’est le même matériel qui est
utilisé, explique Frédéric Houplin de l’Entreprise Jean Lefebvre. En effet, même si les premiers chantiers ont
pu déstabiliser quelque peu les ouvriers, ceux-ci n’ont pas eu besoin d’une
formation spécifique. » Il précise par ailleurs, que le terme
« techniques alternatives » n’est plus utilisé. On parle de
techniques d’assainissement et de gestion des eaux pluviales. (rmq :
Propos d’emblée confirmés par toutes les Douaisiens présents autour de la
table.)
De
son côté, Ludovic Dennin, directeur du service assainissement à la CAD, insiste
sur l’importance de « déraccordement » du réseau unique grâce aux
techniques alternatives. La conséquence de cette technique s’illustre
facilement: c’est l’équivalent d’une ville de 25 000 habitants qui ne
rejetterait aucune eau pluviale dans le réseau de la CAD.
Aussi,
tant que possible, les nouvelles constructions ne rejettent plus aucune goutte
d’eau de pluie dans le réseau d’assainissement. Il n’est, bien entendu, pas
toujours possible d’atteindre cet objectif dans une urbanisation déjÃ
existante.
Enfin,
sur la question de la gestion des pluies centennales, Jean-Jacques Herin de la
CAD, relativise : « la bonne
gestion veut qu’on ne va pas investir dans un ouvrage qui va ne servir que tous
les cent ans. Il faut construire la ville de façon résiliente pour faire face
aux pluies centennales. Le risque existe et il faut l’intégrer dans la vie de
tous les jours. »
Mais combien ça coûte ?
Si
les résultats sont probants, la mise en œuvre de telles techniques sont-elles
pour autant supportables pour les finances d’une commune ou entité
supracommunale ?
Tous
les Douaisiens s’entendent, autour de la table, pour confirmer que les
techniques alternatives n’engendrent pas ou peu de surcoût. En effet, le cumul
de fonctions permet de ne pas occasionner de frais trop onéreux. Par exemple,
la fonction voirie est couplée avec la fonction gestion des eaux pluviales
puisqu’on est dans tous les cas obligé de faire le corps de chaussée. Ici, on
évite même les bouches d’égout en fonte aux coûts importants, ainsi que leur
entretien. Dans la majeure partie des cas, les travaux de gestion des eaux
pluviales via des techniques alternatives sont mis en œuvre à l’occasion
d’autres travaux.
Sur
la réussite de cette nouvelle gestion de l’eau de pluie, le président d’ADOPTA
note que le portage politique est, bien évidemment, nécessaire pour en asseoir
sa légitimité. En outre, la réglementation doit être connue et appliquée et le
changement politique doit être encadré. C’est là où l’ADOPTA permet
d’accompagner la collectivité.
Et
comme le souligne très justement Jean-Jacques Herin en guise de conclusion de
la matinée d’échanges, la mise en place de ces nouvelles techniques est « une
évolution et non une révolution ».
L’après-midi
de cette journée dans le Douaisis fut consacrée à une visite du show-room où
les différents outils sont exposés en hors-sol et à un tour en car dans
différents lieux où ceux-ci sont déjà en place depuis parfois plus de 20 ans. L’occasion
de tester l’efficacité de l’enrobé non poreux à l’aide d’un bidon d’eau déversé
sur la chaussée. La démonstration a suffit à convaincre !